Good Living, c’est le projet de nouveau règlement d’urbanisme pour la Région de Bruxelles capitale. II recense les règles qui s’appliquent lorsque vous voulez construire ou faire des travaux chez vous. Le règlement actuel est ancien et nécessitait d’être revu.
Mais Good Living, c’est aussi et surtout un formidable instrument de gentrification de Bruxelles. Autrement dit en bon français, son « embourgeoisement ». L’idée est de faire une ville pour les classes les plus aisées, pour les attirer à Bruxelles, même si cela implique le départ des classes moyennes et populaires, qui n’auront plus les moyens d’y vivre.
Good Living, c’est le second « bébé » de Pascal Smet (Vooruit) après Good Move. Les deux ensembles sont parfaitement cohérents. Ils organisent une gentrification urbaine, autour de 3 grands effets d’éviction, par les prix ou par la contrainte physique :
1. La raréfaction de l’espace à bâtir, susceptible d’entraîner une hausse du prix du foncier et, in fine, des prix de l’immobilier (et en fin de chaîne des loyers) ;
2. Des règles qui favorisent les grands projets immobiliers avec des appartements de standing autour d’un « espace privé d’agrément » (dont beaucoup sont déjà en train de voir le jour dans la zone du Canal) et qui, à l’inverse, font peser des contraintes fortes sur les petits projets et propriétaires ;
3. – Une raréfaction des places de stationnement en voirie et hors voirie telle qu’elle obligera ceux qui ne peuvent pas se passer de leur voiture, en particulier les populations qui travaillent dans l’industrie hors de Bruxelles (les classes qu’on qualifiait autrefois de « laborieuses » et qu’on a désigné plus récemment comme les « premières lignes ») à quitter la Région pour s’installer ailleurs.
Plus encore les dispositions de Good Living, qui s’ajoutent à celles de Good Move, et qui visent clairement à éradiquer la voiture de Bruxelles, en rendant le stationnement extrêmement difficile en voirie et hors voirie, risquent d’entraîner une rupture du principe d’égalité, voire une véritable discrimination, à l’endroit des personnes qui, notamment pour des raisons de santé, ont besoin d’une voiture, et qui ne pourront plus choisir de vivre dans certains logements ou certains quartiers de Bruxelles, voire à Bruxelles tout court.
Le projet de règlement fait par ailleurs peser sur les petits commerçants des obligations qui paraissent déraisonnables au regard des enjeux poursuivis.
Il fait également peser sur les espaces ouverts privés et donc souvent sur les particuliers des contraintes fortes en lien avec la lutte contre les effets du réchauffement climatique (surfaces végétalisées, plantation d’arbres de haute tige, habitats pour le faune, gestion des eaux pluviales…), alors que par ailleurs il n’interdit pas ou ne régule pas strictement la construction sur les terrains encore non bâtis de la Région et favorise l’utilisation des espaces verts et de la biodiversité comme facteur d’attractivité des classes favorisées.. Habiter dans un immeuble de standing avec vue sur le marais Wiels ou la friche Josaphat, ça vaudra sans doute cher…
En bref, la ville qui se dessine avec ce projet est pensée pour une classe aisée, qui a les moyens de s’installer dans une maison avec garage ou dans des logements de qualité, de plus en plus chers, proches de l’école de leurs enfants et de leurs lieux de (télé)travail, bien desservis par le métro ou par des pistes cyclables, avec dans les deux cas un pouvoir d’achat élevé et une capacité à mettre en place des stratégies d’adaptation voire de contournement … Une ville dans laquelle beaucoup des habitants actuels ne pourront plus vivre.
LES GRANDES LIGNES
D’après les informations que nous avons, une partie de nos critiques ont été entendues et ont donné lieu à des modifications ou suppressions dans le projet revu après l’enquête publique actuellement soumis au Parlement régional. Mais la philosophie reste inchangée, et la plupart des dispositions qui posent problème sont toujours là.
Notons que toute à sa hâte de passer en force avant les élections (au cas où…), la nouvelle ministre régionale de l’urbanisme a annoncé qu’elle envisageait de se passer de l’avis pourtant nécessaire, s’agissant d’un texte d’une telle complexité, du Conseil d’Etat, qui a indiqué ne pas pouvoir rendre son avis dans le délai requis. On le comprend, tellement le projet est mal ficelé…la liste des observations et mises en garde du Conseil d’Etat risquait d’être très très longue …
La ministre Ecolo /Groen prend donc le risque de fragiliser le règlement d’urbanisme et, en cas d’annulation de celui-ci dans quelques mois ou années, les projets immobiliers qui aurait été réalisé sur son fondement. « Après moi le déluge ! » L’intérêt général semble bien loin…
Le nouveau projet n’a pas été rendu public. Ce qui suit est donc sous réserves d’éventuelles modifications qui auraient été faites entre-temps par Urban Brussels.
EN VOIRIE
- Le stationnement en épi, à chevron et perpendiculaire à l’axe de la chaussée sera interdit s’il est considéré comme dangereux, ce qui sera le cas, notamment, dès qu’une piste cyclable passe à côté.
- Le stationnement sera également interdit devant les entrées des monuments classés, écoles, lieux de cultes et équipements culturels, ainsi que le long des parcs et espaces verts. La région n’a pas donné les chiffres correspondants, mais on se doute qu’ils sont élevés (4.000 bâtiments concernés dans toute la région et de nombreux parcs notamment…).
- Par ailleurs, les règles relatives à l’espace public seront revues. Les trottoirs devront faire au moins 2 mètres de long, 5 m sur les « magistrales piétonnes ». Il est également prévu que toutes les voiries bruxelloises bénéficient d’infrastructures cyclables adaptées, en fonction de la hiérarchie des voiries dans Good Move. L’axe accueille-t-il un trafic dense ? Une piste cyclable séparée est alors aménagée dans tous les cas. Toute piste séparée unidirectionnelle fera au moins 1,8 m de large. Toute piste cyclable séparée bidirectionnelle fera au moins 3 m de large. Des stationnements pour cyclistes devront être installés au moins tous les 100 mètres, avec un espace libre de 2,5 mètres devant.
Dans chaque rue, au moins 10 % à 15% (en fonction des résultats du rapport d’incidence) de la surface totale sera réservée aux arbres et plantes en pleine terre.
L’ensemble de ces règles risque dans beaucoup de cas, compte tenu de la largeur des rues bruxelloises, et en cas d’application automatique du principe STOP, d’aboutir à la suppression de tout stationnement en voirie, à la mise en sens unique de la rue, voire à la suppression de toute trafic automobile dans la rue.
CHEZ VOUS
- Hors voirie, le projet de RRU interdit le stationnement sur tout l’espace ouvert privé, devant, à côté ou à l’arrière de la maison.
Quant aux constructions nouvelles, il n’est plus question de prévoir un nombre donné de places de stationnement en fonction du nombre de logements et d’habitants. Le promoteur devra proposer et justifier un nombre donné de places en fonction de critères comme la proximité ou non de transports en commun. - Obligation pour tout logement, y compris les maisons unifamiliales, de comporter un garage à vélos au rez-de-chaussée (un emplacement par logement augmenté d’un emplacement par chambre).
- Végétalisation obligatoire des toitures plates d’une superficie supérieure à 20 m.
- Obligation de raccorder la citerne qui recueille les eaux pluviales à au moins un robinet de service et à un WC d’un côté, et à un dispositif de gestion des eaux pluviales de l’autre.
- Obligation pour tout logement de disposer d’un espace extérieur privatif d’une superficie minimale de 4 m² augmentée de 2 m² au moins par chambre à partir de la 2ème chambre ( donc, concrètement, un balcon au premier étage que vous voulez rénover pour le louer, ou l’accès privatif pour vos locataires à un bout de votre jardin).
- Des règles strictes quant à l’aménagement de votre jardin : arbre de haute tige, création de lieux d’accueils et d’habitats pour la faune, plantation d’espèces végétales indigènes…
Pour les petits commerçants (moins de 200 m²)
- Obligation de consacrer au moins 10% de leur commerce a un « espace extérieur d’agrément ».
- Extension de l’obligation qui n’existait jusque-là que pour les grands commerces d’avoir une aire de livraison hors voirie et couverte.
Cette obligation devrait logiquement avoir comme corollaire la disparition des aires de livraison en voirie.
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Pour plus de détails, vous pouvez vous référer aux observations détaillées que nous avions préparé lors de l’enquête publique (article par article) et que nous avions adressées à Urban Brussel – voir ci-dessous.
N.B. : Aux dernière nouvelles, le projet de règlement ne devrait pas être adopté avant les élections régionales.
Plus d’infos :
- Le projet bruxellois “Good Living” dévoilé : quelles seront les nouvelles règles pour les espaces publics et les logements ? – La Libre
- Good Living au centre des critiques
- Les critiques s’amoncellent sur le Good Living (ieb.be)
- Good Living is not good housing
- Good Living, une pluie de critiques
- L’union royale des architectes contre Good Living
- Le Gouvernement veut faire adopter Good Living au forceps avant les élections
- Le projet revient sur la table du Parlement
- Ans Persoons veut le feu vert définitif pour Good Living, sans avis du Conseil d’Etat – BX1
- Good Living : passera, passera pas ? – La Libre
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