Good Move, c’est le nouveau plan régional de mobilité pour la Région de Bruxelles-Capitale (RBC), approuvé en 2020 par le Gouvernement bruxellois. Le plan Good Move succède aux plans régionaux de mobilité Iris I (1998) et Iris II (2010). S’il est censé être un instrument de progrès environnemental et social, il est en réalité, du fait de ses défauts de conception et de sa mise en oeuvre calamiteuse, profondément anti-écologique et anti-social.
50 mailles ou « quartiers apaisés »
Le plan régional de mobilité, dit Good Move, a divisé les 19 communes de Bruxelles en une cinquantaine de « mailles », rebaptisées depuis « quartiers apaisés ».
L’idée générale est de renvoyer le maximum de trafic vers les rues qui forment le contour de la maille et de compliquer au maximum la circulation à l’intérieur, en multipliant les sens interdits.
Censé dissuader le trafic de transit, c’est-à-dire le trafic qui ne provient pas et ne s’arrête pas dans le quartier, ce dispositif oblige également les riverains à faire de longs détours pour sortir ou rentrer chez eux. Le but est de rendre le vélo ou les transports en commun attractifs en augmentant le temps de circulation en voiture.
Il a par ailleurs pour effet d’augmenter les nuisances liées au trafic automobile, dont la pollution de l’air et le bruit, dans les rues vers lesquelles le trafic est renvoyé.
L’objectif recherché, que l’on retrouve également dans Good Living, c’est de diminuer l’utilisation de la voiture en ville.
Rien de nouveau sous le soleil, c’est une politique qui existe depuis une vingtaine d’année. Avec succès puisqu’on est passé d’une part modale de la voiture dans les déplacements à Bruxelles de 55 % il y a 20 ans à environ 30 % aujourd’hui, et moins de 20% si on ne prend en compte que les seuls déplacements internes à la région de Bruxelles capitale (sans les navetteurs).
Diminuer drastiquement les places de stationnement et créer volontairement des congestions
Good Move et Good Living veulent aller encore plus loin, ce qui ne pose pas de problème en soi, mais en passant de la politique de la carotte (développement de l’offre des transports en commun, création de pistes cyclables, primes pour inciter à se déplacer autrement qu’en voiture quand c’est possible, sensibilisation aux enjeux climatiques et de santé publique…) à la politique du bâton, avec trois axes essentiels :
- Réduction drastique du stationnement : en voirie (Good Move prévoit la suppression de 65 000 places de stationnement) mais aussi hors voirie, en supprimant le plus d’emplacements existants possibles, en limitant les possibilités d’en créer dans les nouveaux bâtiments qui seront construits, et en renchérissant fortement le prix des places restantes.
L’idée est que si vous n’avez plus de places pour vous garer ou que celles-ci sont trop chères, vous serez obligés d’abandonner votre voiture…
- Création de congestions, et ce de façon volontaire.
Pour ce faire, on renvoie l’essentiel du trafic automobile vers un nombre limité de voies dont, par ailleurs, on réduit les capacités. Les ingénieurs du trafic parlent de « réduction par la congestion », par utilisation d’un « péage temporel » censé produire un « effet d’évaporation » du trafic.
- A cela s’ajoutera une taxe, dite Smartmove, qui sera notamment fonction des kilomètres parcourues et du moment où vous vous déplacez (plus cher en heure de pointe).
L’idée est que vous perdiez tellement de temps dans les embouteillages et / ou que cela vous coûte tellement cher que vous finissiez par abandonner votre voiture…
Des effets négatifs prévisibles et visibles
Tant pis pour ceux qui habitent ou circulent dans les rues vers lesquelles tout le trafic est renvoyé.
Tant pis pour ceux qui ne peuvent pas renoncer à leur voiture.
Tant pis pour le fait qu’en fin de compte, ce sont plutôt ceux qui en ont les moyens qui pourront continuer de prendre la voiture, pas ceux qui « en ont nécessairement besoin », comme cela nous est vendu par Bruxelles mobilité.
Nous avons critiqué, de façon argumentée et détaillée, la conception de ce plan et ses modalités d’application devant la commission de mobilité du Parlement de Bruxelles. Vous pouvez visionner notre audition du 3 octobre 2023 ci-dessous ou vous référer au texte que vous trouverez en fin de page.
De grandes faiblesses méthodologique
L’une des grandes faiblesse méthodologique de Good Move est lié aux incertitudes sur l’effet d’évaporation.
Bruxelles mobilité part du principe qu’il existe un effet d’évaporation de l’ordre de 10% qui est automatique, dès qu’on réduit la « place » de la voiture.
C’est sur cet effet d’évaporation « automatique » de 10% que les auteurs de Good Move ont parié. Si l’effet d’évaporation attendu par les concepteurs du plan ne se produit pas, alors le plan échoue.
Or, aucune étude sérieuse n’a été réalisée pour déterminer si un effet d’évaporation pourrait se produire à Bruxelles et si oui, à quelles conditions.
Sans entrer dans le débat scientifique, des études récentes menées à Paris, Barcelone et Londres, pourtant dotées d’un réseau métro et RER dense, ont démontré l’absence d’effet d’évaporation. A Paris, lors de la fermeture des voies sur berge, tout le trafic a été reporté ailleurs, à proximité immédiate ou même beaucoup plus loin, essentiellement sur le périphérique et jusque sur l’A86. Résultat : encore plus de gens exposés à du bruit et à des taux de pollution plus importants. Une catastrophe en termes de santé publique.
« Du fait de plus fortes densités de population autour du périphérique, la population résidente potentiellement affectée par une dégradation de l’air est environ deux fois plus importante que la population résidente ayant bénéficié de cette fermeture.«
Source : Des centres plus verts, des banlieues plus grises ? | Institut des Politiques Publiques – IPP
D’une façon générale, aucune étude ne met en évidence une transition intermodale réussie et socialement juste suite à une politique de « réduction par la congestion » mise en œuvre par les pouvoirs publics.
Plus encore, la « réduction par la congestion » suppose le maintien d’un « niveau acceptable » de congestion, pour que la pression sur les automobilistes ne cesse pas. Car si elle cesse, le trafic revient.
Une politique socialement injuste
Pour que les gens abandonnent durablement leur voiture, il faut les y inciter de manière positive, structurelle, pas en leur mettant le pistolet des embouteillages sur la tempe… Dans ce cadre, quand on nous dit que le plan aura pour effet de fluidifier le trafic automobile pour ceux qui en ont « réellement besoin » (catégorie, au passage, non identifiée et surtout non quantifiée), c’est au mieux une mauvaise compréhension de la façon dont le plan doit fonctionner, au pire un mensonge.
Rappelons pour terminer ce point que s’il y a plus d’embouteillages à Bruxelles depuis 10 ans, ce n’est pas parce qu’il y a de plus en plus de voitures, non, celles-ci ayant même tendance à être moins présentes sur nos routes… mais parce qu’on a fermé des voies à la circulation automobile, soit temporairement, pour travaux, soit définitivement, pour cause de création de pistes cyclables et réaménagements urbains notamment. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est Bruxelles mobilité, dans la « fiche diagnostic n°10 » qui figure sur son site.
Donc, en résumé, Good Move consiste à créer des embouteillages en fermant des voies… ce qui permet de dire ensuite qu’il y a trop d’embouteillages à Bruxelles et qu’il faut « réduire la place de la voiture ». CQFD…
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