La Fondation Jean Jaurès, en France, vient de publier un nouveau rapport intitulé : « Backlash écologique : Quel discours pour rassembler autour de la transition ? Les auteurs et défenseurs inflexibles du bien mal nommé Good Move feraient bien de le lire avec attention.
Le rapport rappelle le contexte que nous connaissons tous, et qui touche toute l’Europe, de montée d’un fort mécontentement à l’égard de la transition écologique, perçue – à tort parfois mais souvent à raison – comme injuste et trop contraignante, et la façon dont ce mécontentement croissant est instrumentalisé par les droites populistes qui font le pari que l’opposition à la transition leur bénéficiera politiquement, entraînant ainsi un risque de « backlash écologique ».
Le rapport montre qu’en réalité, la majeure partie des citoyens sont conscients du réchauffement climatique, qu’ils ne remettent pas en cause. Plus encore : les citoyens trouvent que l’Etat n’en fait pas assez. Ce qu’ils contestent, ce sont des politiques socialement et économiquement injustes.
Comme le soulignent les auteurs du rapport « Bien souvent, l’erreur fondamentale de nombreux décideurs politiques est de comprendre l’opposition à certaines politiques climatiques comme une opposition générale à la politique climatique ».
« Ainsi, s’il faut agir, il faut surtout bien agir. »
C’est ce que nous avons dénoncé dès la fin de 2022 s’agissant du bien mal nommé Good Move.
Good Move, tout ce qu’il ne faut pas faire
Good Move nous a été présenté comme un « tout », un « bloc », à prendre ou à laisser. On a caricaturé notre opposition en nous taxant de tenants du statu quo. En gros, nos critiques ne vaudraient rien dès lors qu’en réalité, alors même que nous disons et démontrons l’inverse, nous ne chercherions qu’à faire en sorte que rien ne change. Et que « mal faire » était mieux que ne « rien faire ». Nous continuons de penser que le mieux, c’est quand même de « bien faire ».
Le rapport de la Fondation Jean Jaurés propose douze pistes pour « rendre l’écologie attractive ». L’idée centrale est de rendre la transition plus juste et mobilisatrice, ce qui implique notamment que « chacun contribue à la hauteur de ses responsabilités et de ses capacités ». « Cela signifie qu’il faudra mettre à contribution les acteurs au plus fort impact carbone (grandes entreprises, classes supérieures, etc) ».
La nécessité de politiques d’accompagnement ciblées
En Italie, des chercheurs ont montré que l’interdiction de certaines voitures polluante avait fait monter l’extrême droit dans le centre de Milan, mais pas dans les communes limitrophes qui ont mis en place des compensations financières importantes (The political consequences of green polices : Evidence from Italy – Cambridge University Press, 27 avril 2023).
Good Move, en bénéficiant avant tout aux classes moyennes et supérieures qui sont portant celles qui ont, de par le mode de vie et de consommation, l’impact carbone le plus fort (et ce alors même qu’elles n’utiliseraient que peu la voiture), et en pesant avant tout sur les classes moins favorisées qui ont un bilan carbone bien plus faible, est donc profondément injuste et par conséquent de nature à susciter le rejet, la colère, et la montée de la droit populiste. Là encore, nous l’avons dit et répété, dans la plus grande indifférence de nos interlocuteurs pro Good Move.
Une co-construction avec les habitants
Le rapport insiste par ailleurs sur la nécessité d’une véritable concertation. « C’est en permettant à tout un chacun de s’approprier la transition écologique sur son territoire, avec son collectif, et pour construire son projet adapté qu’elle réussira ».
Une étude menée Espagne a montré que grâce à une politique de « contractualisation » menée en concertation étroite avec les acteurs de terrain, et notamment les syndicats, il a été possible de mettre en place des politiques restrictives dans des villes et régions industrielles particulièrement touchées par les politiques de décarbonisation, et que le parti socialiste au pouvoir en a tiré un bénéfice électoral. « La transition juste, dans la pratique, a donc la capacité d’accélérer la transformation écologique tout en absorbant les coûts sociaux (et électoraux) » (How to get coal country to vote for climate policy : The effect of a « just transition agreement » on Spanish election results – Cambridge University Press, 4 décembre 2023).
Good Move, avec ses consultations de façade où on vient informer les habitants des quartiers populaires, manifestement considérés comme trop peu intelligents pour participer à la réflexion collective les concernant, de ce qui a été décidé pour faire leur bonheur malgré eux, fait tout ce qu’il ne faut pas faire pour que ça puisse fonctionner.
La concertation, ce n’est pas que de la forme ; c’est avant tout du fond. Ce sont des politiques qui seront efficaces parce que définies avec les habitants, adaptées à leurs contraintes, techniquement pertinentes et socialement acceptées. La logique c’est que tout le monde y gagne, alors que les tenants de Good Move s’appuient sur l’opposition que leur politique contribue à créer entre les « gagnants » et les « perdants », à qui on fait en plus la leçon de moral en leur disant qu’ils doivent être de « bons citoyens » et se sacrifier pour la collectivité.
Il faut redresser la barre rapidement
Il est grand temps que le plan Good Move soit jeté aux oubliettes, et que des mesures justes et efficaces soient enfin définies et mises en oeuvre, en concertation avec les habitants, ainsi que nous ne cessons de le réclamer depuis plus de deux ans. Sinon, nous risquons tous de nous prendre ce fameux « backlash » dans la figure, et ça risque de faire très mal… Errare humanum est, perseverare diabolicum.