Il y a quelques jours, Fabian Maingain, échevin des affaires économiques de Bruxelles, se réjouissait des chiffres de fréquentation au centre-ville en octobre 2022.
Selon deux études réalisées à partir des données collectées par Proximus pour l’une, et de Mytrafic pour l’autre, 1,25 million de visiteurs ont foulé les artères commerciales du centre de Bruxelles, dont 1 million pour le piétonnier, 443 000 dans le “quadrilatère”, soit la zone comprise entre la Grand-Place, la Bourse, la place De Brouckère et la place de la Monnaie, et 991 000 rue Neuve (chiffres qui peuvent évidemment se recouper en partie).
Fabian Maingain en conclut que Good Move n’a pas nui à la fréquentation de l’hyper-centre-ville.
En réalité, ce constat n’est rien d’autre qu’une lapalissade. Car la particularité de « l’hyper-centre-ville » (pas le centre-ville, la nuance a son importance) est d’être fréquenté essentiellement pas des personnes qui n’y viennent pas en voiture mais en transport en commun, métro en tête. Donc, en réalité, les actions visant à réduire la place de la voiture en ville n’ont qu’un impact marginal sur cette « clientèle » là. Good Move ou pas, c’est la même chose.
Il y a les touristes d’abord. D’après une étude réalisée là aussi sur le base de données de téléphonie mobile, ils étaient 30 000 par jour sur et autour de la Grand place en 2018, soit 900 000 personnes. Ce chiffre est comparable au chiffre donnée par M. Maingain pour octobre 2022, si on additionne les touristes belges et les touristes étrangers. En général, ces personnes ne se risquent pas au centre-ville en voiture, en particulier les touristes étrangers arrivés par train ou avion.
Ensuite, il y a la rue neuve, premier « centre commercial » de Bruxelles depuis plusieurs décennies déjà, essentiellement fréquentée par une clientèle jeune (15-24 ans), qui n’a en général pas de voiture, voire pas de permis, et qui vient à cet endroit, dans lequel elle trouve les fameuses « chaînes », parce qu’il est facilement accessible en métro (seuls 30%, et même 20% si on prend en compte les seuls déplacements internes à la région, viennent en voiture).
Et les chiffres de fréquentation de cette rue sont stables, avant comme après le piétonnier, voire en légère diminution. Ainsi, selon le baromètre Atrium de 2018, on comptait dans la rue Neuve 46.586 chalands quotidiens. Soit près d’1,4 millions par mois… plus, donc, que les 991 000 d’octobre 2022 (habitants et travailleurs compris). En 2012, ce chiffre était même de 50.397 chalands par jour, soit 1,5 millions par mois pour cette seule rue, là où on nous dit que la fréquentation du centre-ville et celle du piétonnier sont, respectivement, de 1,25 millions et de 1 million en octobre 2022, touristes inclus.
Par ailleurs, si M. Maingain nous dit que la fréquentation est bonne aux Marolles et place Sainte-Catherine en octobre 2022, il ne donne comme point de comparaison que la fréquentation au mois de septembre 2022. Or, selon les études réalisées après 2015, cette zone (notamment la rue Blaes et la rue des Renards) est précisément l’une des celles qui ont été impactées négativement par le piétonnier et / ou le sont aujourd’hui par le plan de circulation dans le cadre de Good Move, avec les Sablons, le boulevard Lemonnier, l’avenue de Stalingrad et la rue Dansaert. Le fait qu’un comité Non au plan Good Move Bruxelles réunissant ces rues et quartiers se soit récemment constitué, à l’instigation des commerçants, est symptomatique. Et non, ce ne sont pas juste des « râleurs » qui n’auraient que ça à faire.
Difficile en tout cas de vérifier les chiffres, les études citées par Fabian Maingain, et dont on comprend qu’elles utilisent deux méthodes différentes, ne semblant pas avoir été rendues publiques. En tout cas, nous avions cherché longuement et nous ne les avons pas trouvées…
Dès 2016, l’Arau, qu’on ne peut pas soupçonner d’être un repère de vilains « pro-bagnoles », dénonçait les chiffres mensongers avancés par les autorités s’agissant de la fréquentation du piétonnier et, se fondant sur les chiffres d’Atrium, indiquait, au mieux, une stagnation, avec des différences selon les endroits et les jours / mois.
Par ailleurs, comme l’échevin Maingain le reconnaît lui-même, fréquentation ne veut pas dire achat, surtout quand on parle des touristes. Ou alors certains types d’achat. Là encore, les études menées depuis 2015 montrent que le piétonnier n’a pas eu d’effet positif pour les commerçants.
Par ailleurs, si le trafic a – fort logiquement – globalement diminué sur l’ensemble du Pentagone, des reports de circulation ont été rapidement observés sur certaines rues latérales. Enfin, certains habitants dénonçaient dès 2016 une « pollution sonore » liée non plus aux voitures mais à la « fréquentation » jusque tard dans la nuit.
Plus largement, le piétonnier n’est synonyme ni de qualité des commerces, ni de qualité de vie. Même si son image semble s’être récemment améliorée, les personnes interrogées dénoncent encore la malpropreté et le sentiment d’insécurité qui y règne, ainsi que le côté minéral et le manque d’arbres.
Les commerces indépendants ont presque tous fermés pour être remplacés par des chaînes (Zara, H&M…) et de nombreux fast-foods, à tel point qu’on a parlé de « Malbouffe Valley ». La DH avait ainsi comptabilisé, sur un trajet de 1 700 mètres rejoignant les stations Anneessens à Rogier, une quinzaine de fast-foods et six snacks (genre Burger King, Quick, McDonald’s, Manhattn’s, O’Tacos, Hector Chicken Cheese Cake Café et KFC).
La ville de Bruxelles en est consciente, qui a présenté en mars dernier un schéma de développement commercial pour le piétonnier, dont l’ambition est de « positionner » le piétonnier « comme la vitrine du centre-ville où l’ensemble des utilisateurs – habitants, travailleurs, chalands et touristes – peuvent se promener et faire leurs achats de manière agréable et sûre ».
Cela confirme ce qui a depuis le départ été la vocation du piétonnier, à avoir un « centre commercial à ciel ouvert », presque exclusivement occupée par les grandes chaînes d’habillement. Ainsi, le plan Good Move se donne officiellement pour objectif de réduire les émissions de CO2 du secteur automobile mais favorise un modèle commercial et économique extrêmement producteur de telles émissions (sans parler du « bilan humain » déplorable), alors que c’est précisément ce modèle basé sur le capitalisme fossile qu’il faut changer de toute urgence ! Mais pour ça, il fait plus de courage et de travail que la solution de facilité consistant à dire qu’on va sauver le monde en roulant en vélo…
Par ailleurs, ce type de politique favorise la mono-fonctionnalité au profit d’« une occupation quasi-exclusive de la voirie par certaines activités commerciales privatisant l’espace public (terrasses HORECA, étalages, etc.) au détriment des activités socioculturelles et de flânerie ». Ce n’est pas nous qui le disons, mais l’Arau, là encore. L’étude dont vous trouverez le lien ci-dessous parle même de « Disneylandisation de l’espace public », pensé avant tout comme un espace de plus en plus privatisé au profit d’activités commerciales et de réalisation de politiques événementielles et touristiques destinées à favoriser l’attractivité de Bruxelles.
On en revient à ce que nous dénonçons depuis plusieurs mois déjà s’agissant de la « ville productive » chère, notamment, à M. Pascal Smet (Vooruit) et au maître architecte de la région de Bruxelles, destinée à attirer une classe dite « créative » disposant d’un pouvoir d’achat supérieur, quitte à faire partir la classe « non créative » … la boucle est bouclée.
NON au plan de gentrification qu’est le plan Good Move !
Ne vous laissez pas faire, il n’y a pas de fatalité. Rejoignez-nous dans les différents comités, faites circuler les informations, signez les pétitions, et tenez-vous prêts pour les prochaines actions !
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